Indices olfactifs dans la peinture de rêve (Partie II)

La peinture a toujours été friande de représentations oniriques. Rêves et cauchemars font en effet de merveilleux sujets pour les artistes, qui y glissent parfois des indices olfactifs.

Quelques historiens de l’art cherchent aujourd’hui à comprendre les œuvres du passé par le prisme d’un “regard olfactif” s’attachant aux évocations visuelles d’effluves et de sources odorantes. Ce regard dirigé par le nez permet parfois de déceler des symboliques cachées, de faire émerger des interprétations inédites en s’intéressant à ce que l’œil seul ne peut comprendre. Parfois, en imaginant simplement les senteurs qui pourraient émaner des scènes représentées, notre perception de l’œuvre change. L’entrée dans le tableau devient totale, plus viscérale. C’est notamment le cas de nombreuses œuvres oniriques du XIXe siècle dans lesquelles foisonnent fleurs et plantes odorantes et qui se prêtent ainsi à d’intéressantes lectures olfactives.

Dans Le Rêve (1883) de Pierre Puvis de Chavannes, un jeune voyageur s’est endormi sous la lune, au pied d’un pin, le long du littoral. Trois jeunes femmes d’une irréelle beauté lui apparaissent en rêve, flottant dans le ciel étoilé : la première, des roses à la main, évoque l’Amour, la deuxième, brandissant une couronne de laurier, incarne la Gloire tandis que la dernière répand les pièces de la Fortune. Ainsi, les senteurs viennent s’immiscer dans la scène : ceux, réels, du paysage lui-même, à l’instar des effluves résineux de l’arbre qui abrite le sommeil du jeune homme, et ceux, rêvés, des fleurs que fait pleuvoir sur lui sur la première figure allégorique, ainsi que du laurier, fortement aromatique, porté par la seconde. Amour, gloire et fortune sont pour le voyageur, de condition visiblement modeste, des rêves aussi séduisants que fuyants, à l’instar de ces parfums, délicieux et pourtant impossibles à saisir et à retenir.

Dans une œuvre de Gustave Courbet légèrement antérieure, intitulée Le Rêve ou Le Hamac (1844), les roses surplombent également la figure endormie. Il s’agit cependant, cette fois, d’une jeune femme langoureusement pâmée dans un hamac suspendu au-dessus d’un cours d’eau, et les fleurs qui l’ennivrent de leur parfum sont bien réelles. Un pétale carmin s’en en même détaché et repose sur la toile du hamac auprès de la jeune femme. Celle-ci est représentée dans une posture hautement suggestive, comme prise dans son sommeil par un plaisir charnel. Ses joues sont colorées d’un rose intense et ses mollets comme sa poitrine sont dévoilés par sa robe dégraffée, ne laissant aucun doute quant au caractère érotique de son rêve – et de la scène. Or dans cette ambiance végétale, aquatique, plutôt fraîche en apparence, c’est bien l’odeur de ces fleurs penchées sur le visage de la belle endormie qui semble exciter ses sens et induire des rêves empreints de sensualité.

C’est une autre forme de rêves qu’induit le parfum floral dans The Day Dream (1880) – c’est-à-dire le rêve éveillé – de Dante Gabriel Rossetti. Une femme assise au milieu des branches d’un sycomore, vêtue d’une robe d’un vert profond et semblant presque ne faire qu’une avec l’arbre, délaisse le livre qu’elle lisait et tient dans la paume ouverte de sa main gauche une grande fleur de chèvrefeuille des bois. Cette inflorescence particulièrement odorante était un symbole d’amour à l’époque Victorienne. Ici, le chèvrefeuille symbolise non seulement les pensées amoureuses qui occupent la figure féminine, mais son parfum est probablement également l’un des vecteurs de sa rêverie. “Mon âme voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique” écrivait quelques années plus tôt le poète Charles Baudelaire. C’est ce même phénomène qui, dans cette scène, permet à la jeune femme au regard rêveur de quitter la réalité sur les ailes du parfum. Bien qu’elle ne soit pas endormie, la puissance d’induction imaginatrice des senteurs agit sur elle comme sur la jeune femme du tableau de Courbet.

Les fleurs et plantes odorifères représentées par les artistes aux côtés des rêveurs, qu’elles se déploient autour de la figure endormie ou dans le rêve même, ont toujours une fonction d’excitation de celui-ci, d’accroissement de son intensité. Et quiconque a déjà fait l’expérience d’un rêve olfactif ou même simplement d’un sommeil dans un environnement odorant, comprendra celle vécue par les personnages représentés dans ces œuvres.

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Indices olfactifs dans la peinture de rêve (Partie I)

La peinture a toujours été friande de représentations oniriques. Rêves et cauchemars font en effet de merveilleux sujets pour les artistes, qui y glissent parfois des indices olfactifs.

Quelques historiens de l’art cherchent aujourd’hui à comprendre les œuvres du passé  en s’attachant aux évocations visuelles d’effluves et de sources odorantes. En identifiant celles-ci, en les décodant, ce regard dirigé par le nez permet parfois de déceler des symboliques cachées, de faire émerger des interprétations inédites en s’intéressant à ce que l’œil seul ne peut comprendre. Parfois, en imaginant simplement les senteurs qui pourraient émaner des scènes représentées, notre perception de l’œuvre change. L’entrée dans le tableau devient totale, plus viscérale. C’est notamment le cas de nombreuses œuvres oniriques qui se prêtent à d’intéressantes lectures olfactives.

Ainsi, le célèbre Cauchemar (1781) de Johann Heinrich Füssli se révèle être une œuvre éminemment sensorielle. Le tableau, qui offre à la fois l’image d’une femme assoupie, contorsionnée sous l’effet de son mauvais rêve, et la représentation des créatures qui peuplent celui-ci, a suscité de multiples interprétations. Pour une œuvre traitant de l’univers désincarné des rêves, les corps et les sensations sont paradoxalement très présents dans ce tableau. On peut notamment imaginer les odeurs parvenant aux narines de la jeune femme. Du démon velu perché sur elle, semblant tenir plus de la bête que de l’apparition éthérée, pourrait émaner des relents fauves de fourrure ou de soufre. Beaucoup de croyances attribuent en effet aux créatures démoniaques des odeurs pestilentielles. Serait-ce aussi pour cela que la jeune femme drapée de blanc semble défaillir dans son sommeil ? En promenant un regard olfactif sur la toile, on remarque également, sur le guéridon placé au premier plan, un petit nécessaire de toilette composé d’un miroir, d’une boîte à poudre ronde et d’un flacon de parfum. La jeune femme s’en serait-elle aspergé avant de se coucher ? Entre odeurs séduisantes et déplaisantes, l’ambiguïté plane dans l’air.

Plus proche de nous, Le Rêve de Henri Rousseau (1910) est tout aussi teinté de cet étrange mélange entre sensualité et danger qui baigne l’atmosphère du songe représenté. Une femme blanche, entièrement nue, se trouve étendue sur un divan, au cœur d’une jungle foisonnante peuplée de fleurs de lotus immenses, de fruits colorés et d’animaux sub-sahariens (lion, lionne, serpent, éléphant, singe, oiseaux exotiques…). Est-ce son rêve que nous voyons se déployer, ou celui de son amant qui la peint ? La réponse est incertaine. Toute comme la figure mystérieuse à la peau sombre, vêtue d’un pagne bariolé et jouant d’une sorte de flûte, qui se tient dans cette forêt tropicale imaginaire, semblant charmer ses habitants d’une musique inaudible. Nul doute que de ce riche paysage rêvé émanent aussi des odeurs troublantes et ambivalentes : senteurs rudes des fauves, effluves végétaux et humides, parfum sucré des fruits et souffle capiteux des lotus… Cette sensorialité multiple et exacerbée pourrait surprendre dans la représentation de ce qui s’apparente à une vision de l’esprit, mais c’est sans compter sur la capacité de notre cerveau à sentir au sein même du rêve !

Ainsi, grâce à un effort d’imagination, les odeurs nous font entrer dans le plan pictural de ces œuvres en même temps que dans les rêves représentés par les artistes, au point que l’on ne sait plus si elles émanent de la psyché des sujets ou de leur environnement peint.

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L’odorat dans les cultures extra-occidentales

Saviez-vous que dans certaines régions du monde – notamment dans les régions tropicales, où les odeurs sont plus intenses et plus diversifiées – les odeurs ont des rôles socioculturels et cosmologiques importants ?

Contrairement à la conception occidentale dans laquelle les sensations olfactives sont souvent considérées comme subjectives, arbitraires et sans importance, de nombreuses sociétés extra-occidentales considèrent les senteurs comme des éléments à part entière de leur tissu culturel, social et cosmologique. Les chercheurs du champ de l’anthropologie sensorielle ont découvert de nombreux exemples de peuples pour lesquels les odeurs jouent un rôle structurel majeur, comme les Batek Negritos de la péninsule malaisienne ou les Sereer Ndut au Sénégal. Dans ces cosmologies, les odeurs ne sont pas seulement agréables ou désagréables, ce sont des symboles culturels profondément ancrés dans des constructions sociales partagées. Elles peuvent ainsi déterminer les ordonnancements naturels, religieux et politiques, renforcer les structures sociales, orienter la sociabilité humaine, participer à la communication entre l’homme et le monde invisible, incarner des concepts tels que le temps, la vie ou la mort, ou véhiculer de nombreuses autres significations. Ces peuples partagent donc non seulement des « visions du monde », mais aussi des « olfactions du monde », leur sens de l’odorat participant activement à l’organisation des espaces physiques et idéologiques.

Par exemple, pour les Ongees résidant dans les îles d’Andaman, situées entre l’Inde et la Birmanie, l’univers et l’essence même de l’existence sont définis par l’odorat, ce qui signifie qu’ils s’appuient sur des modèles de représentation olfactifs pour ordonner leur monde. Leur calendrier est ainsi basé sur les effluves des fleurs, chaque saison se distinguant par une senteur spécifique. Les identités individuelles sont également façonnées par diverses odeurs symboliques. Une salutation habituelle parmi les Ongees est la question « Comment va ton nez ? » L’étiquette locale dicte différentes réponses en fonction de l’état émotionnel de l’autre personne. Si l’on répond que l’on se sent « lourd d’odeur », la personne en face doit inhaler profondément pour alléger le poids odorant de son interlocuteur. A l’inverse, si la personne interrogée ressent un déficit d’énergie olfactive, il est considéré comme courtois de lui offrir un surplus de parfum en soufflant sur elle.

Alors que les langues occidentales manquent de mots pour exprimer la variété des odeurs, les populations qui accordent une plus grande importance au sens de l’odorat au sein de leur cosmologie ont tendance à disposer d’un vocabulaire plus large pour désigner et décrire la variété des senteurs de leur environnement. Par exemple, selon une étude néerlandaise de 2014, les locuteurs du Jahai, une langue autochtone malaisienne, possèdent un lexique précis pour les odeurs : ils ont ainsi la même gamme de mots pour désigner celles-ci que les francophones pour les couleurs. Et le Jahai n’est pas le seul exemple de langue riche en vocabulaire olfactif. Être capable de décrire précisément les phénomènes olfactifs peut en effet être un avantage dans certains environnements, par exemple dans la jungle, où les dangers sont nombreux et où le regard ne peut porter très loin…

L’exploration de l’odorat dans les cultures non-occidentales révèle ainsi une richesse potentiellement insoupçonnée tant l’importance socioculturelle et cosmologique accordées ailleurs aux odeurs dépasse la conception occidentale limitée de l’olfaction. Qu’il s’agisse de signifiants culturels ou qu’elles remplissent des rôles structurels, les odeurs font partie intégrante de l’identité et des visions du monde de ces communautés. Comprendre ces perspectives élargit non seulement notre appréciation de la diversité des expériences humaines, mais souligne également l’importance potentielle de l’odorat dans nos propres vies.​

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L’odorat des mammifères : un sens pour la survie

De l’orientation à la recherche de nourriture, en passant par l’évitement des menaces potentielles et la communication intra ou inter-spécifique, l’olfaction joue des rôles nombreux et indispensables dans la vie des mammifères, dictant bon nombre de leurs comportements les plus importants.

Les premiers mammifères ayant été pour la plupart nocturnes et leur sens de la vue de facto peu développé, ces derniers s’appuyaient largement sur les signaux olfactifs et phéromonaux de leur environnement. Aujourd’hui la plupart des mammifères, même diurnes, compte encore sur la finesse de leur odorat, non seulement pour localiser les sources de nourriture, mais aussi pour distinguer ce qui est comestible de ce qui ne l’est pas. Cette capacité à identifier rapidement les substances nutritives témoigne de l’importance du système olfactif pour assurer la survie. En outre, au-delà de cette fonction essentielle, l’odorat participe aussi à la régulation de l’appétit, processus vital pour maintenir une santé optimale. 

Le sens olfactif est également une pierre angulaire de la sociabilité. Les mammifères utilisent leur odorat pour reconnaître leurs proches, discerner leurs états émotionnels et localiser des partenaires potentiels. La chimie complexe des odeurs permet l’établissement de liens sociaux et la transmission d’informations émotionnelles, favorisant des connexions essentielles au bien-être et à la perpétuation des espèces. L’organe voméronasal, également connu sous le nom d’organe de Jacobson, situé dans les tissus mous des fosses nasales, prend également en charge cette fonction. Chez les mammifères non-humains, cet organe olfactif auxiliaire est responsable de la détection de signaux chimiques volatils ou non, tels que les phéromones, qui servent de signaux de communication chimiques.

L’information olfactive est également un outil crucial pour éviter les dangers. Dans la danse perpétuelle entre prédateur et proie, l’odorat des herbivores sert par exemple à déceler la proximité des carnivores et à déclencher la fuite. Les mammifères peuvent également détecter par le nez des substances toxiques ou identifier la présence d’un incendie. Cette conscience accrue des diverses senteurs de l’environnement permet d’engendrer des réponses rapides et adaptées, améliorant ainsi les chances de survie dans un monde rempli de menaces.

Enfin, l’odorat étend son influence dans le domaine de l’orientation. Les mammifères utilisent leur odorat pour suivre des traces, identifier des territoires – les leurs ou ceux des autres – et parcourir leurs routes migratoires. Cette capacité remarquable met en valeur le lien complexe entre l’olfaction et la conscience spatiale, permettant aux animaux de parcourir leur environnement avec précision.

La transmission rapide des informations olfactives dans le cerveau témoigne de l’importance évolutive du sens de l’odorat. Les signaux olfactifs circulent en effet particulièrement rapidement dans le cerveau, déclenchant des réponses rapides et  cruciales pour la survie. La catégorisation immédiate d’une odeur comme plaisante ou repoussante est un instinct primordial ancré dans la nécessité de prendre une décision instantanée face aux potentielles menaces. En présence d’une odeur désagréable, le cortex insulaire peut même déclencher des mécanismes de défense involontaires. Du plissement instinctif du nez à la toux, en passant par les éternuements ou les vomissements, ces réactions sont des mesures de protection destinées à expulser ou éviter les substances potentiellement nocives. Le système olfactif participe donc non seulement à la prise de décision consciente, mais régit également des réponses réflexes visant à préserver le bien-être et la santé des individus.

Les jugements olfactifs imprègnent notre vie quotidienne, guidant souvent nos comportements sans que nous en ayons conscience. Tout comme nos ancêtres animaux, nous humains effectuons constamment des évaluations olfactives qui façonnent nos interactions avec l’environnement. Du choix d’un repas à la sélection d’un partenaire de vie, l’influence de l’odeur sur la prise de décision est omniprésente et opère souvent sous la surface de notre pensée consciente. Il convient par conséquent de reconnaître l’impact profond du sens olfactif sur nos vies et nos manières d’habiter le monde.

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Vivre sans odorat

Si nous savons tous ce qu’est la cécité ou la surdité et compatissons profondément avec ceux qui en sont affectés, la perte de nos sens chimiques semble inspirer moins de crainte. Elle constitue pourtant un handicap profond et sous-estimé.

Avant la propagation mondiale du Covid-19, l’anosmie et l’agueusie – désignant respectivement la perte des fonctions olfactives et gustatives – étaient encore des termes relativement obscurs pour la plupart des gens. A présent qu’une grande partie de la population mondiale a fait l’expérience de l’un ou l’autre de ces états, l’intérêt pour ces pathologies a augmenté de façon exponentielle.

Lorsqu’elle ne résulte pas d’une anomalie congénitale, l’anosmie est souvent liée à une atteinte du nerf olfactif entraînant un spectre d’expériences allant de perturbations partielles ou temporaires à une perte complète et/ou durable. Elle survient généralement après une infection virale (comme la grippe) ou une allergie. Elle peut également être la conséquence de certaines infections des voies respiratoires supérieures ou d’une maladie inflammatoire chronique, mais peut également apparaître dans le cadre de certains troubles neurologiques et neurodégénératifs, ou encore suite à un traumatisme crânien.

Les conséquences de cette perte ne sont pas à prendre à la légère. Elles englobent une perte d’appétit, une diminution de la libido, une anxiété accrue allant parfois jusqu’à la dépression. Les personnes atteintes se trouvent en effet incapables d’apprécier les saveurs des aliments et des boissons, de reconnaître et d’apprécier l’odeur de leurs proches, etc. Certains peuvent aussi se sentir constamment préoccupés par leurs propres odeurs corporelles. L’absence de dimension olfactive laisse ainsi les individus aux prises avec des sentiments d’isolement, de confusion, de désorientation et de frustration. Les relations humaines sont en effet profondément guidées par l’odorat. Sa perte se traduit donc aussi par une impression de perdre une dimension importante du monde, voire d’être enfermé, coupé d’une grande partie du monde extérieur. Vivre sans odorat peut également présenter des dangers réels. L’incapacité à détecter la fumée d’un incendie ou l’odeur révélatrice d’une fuite de gaz crée un climat peu sécurisant, nous rappelant le rôle essentiel que joue l’olfaction dans la protection des individus contre les menaces potentielles. Si traverser la vie sans odorat n’est pas impossible, cela présente cependant des défis parfois inattendus !

Certains anosmiques – à l’exclusion de ceux nés sans odorat – sont parfois encore capables de sentir dans leurs rêves, comme si leur cerveau se souvenait des odeurs. Ce qui ne manque pas de susciter des sentiments ambivalents : une grande joie durant le rêve, et une déception égale à l’heure du réveil…

Dans certains cas, l’odorat peut ne jamais revenir, cependant, dans une grande majorité des cas, les perceptions olfactives reviennent après quelques jours, quelques mois – ou, plus rarement, quelques années. Il faut en effet du temps pour qu’un circuit fonctionnel nez-cerveau se reforme car les nouveaux neurones olfactifs qui vont s’insérer dans l’épithélium olfactif doivent prolonger leurs axones et se connecter au bulbe olfactif pour une transmission correcte de l’information. L’un des moyens de faciliter ces nouvelles connexions est la stimulation olfactive quotidienne qui contribue à booster la neurogenèse. Depuis la pandémie de Covid-19, les protocoles d’entraînement olfactif se sont multipliés pour aider les gens à retrouver l’odorat. Avec des résultats certes progressifs mais généralement positifs ! Alors quelle joie de retrouver non seulement la beauté et la richesse des senteurs mais également un sentiment de sécurité et d’appartenance ! De se sentir à nouveau en connexion avec le monde et les gens qui y vivent. Comme on l’entend souvent des patients ayant retrouvé les pleines capacités de leur nez  : « C’est comme passer du noir et blanc à la couleur ! »

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Rêves de fleurs au cinéma

Le cinéma, en tant que médium artistique, a toujours été un espace propice à l'exploration de l'imagination humaine. Parmi les thèmes les plus captivants pour les cinéastes, celui des rêves figure en bonne place.

Très tôt le cinéma muet s’intéresse à la mise en images de ce qui se déroule en secret derrière nos paupières closes. En 1926, Les mystères d’une âme de Georg Wilhelm Pabst se propose déjà de restituer un rêve à l’écran, grâce à la magie de l’image filmique qui autorise tant de choses. L’attrait des rêves au cinéma réside en effet autant dans l’invention de ressorts narratifs singuliers que dans leur potentiel pour l’expérimentation visuelle et sonore. Les songes offrent aux cinéastes un espace sans limites, où l’imaginaire peut s’épanouir, où les perceptions peuvent être distordues et les émotions humaines explorées en profondeur.

Si la présence d’odeurs dans les rêves cinématographiques est difficile à déterminer, il est cependant notable que nombreux sont les songes, visions et fantasmes qui prennent à l’écran des formes florales. L’abondance souvent irréelle de fleurs dans ces images oniriques est même parfois telle que les fragrances qui s’en échappent immanquablement sont fortement suggérées à l’imagination des spectateurs. C’est notamment le cas dans la scène culte d’American Beauty (1999) de Sam Mendes, dans laquelle la jeune Angela, nue et pâmée dans un océan de roses rouges, apparaît en vision à Lester Burnham, si captivé par ce fantasme qu’il croit sentir pleuvoir les pétales sur son visage et son oreiller.

C’est aussi un débordement floral qui, dans Big Fish (2003) de Tim Burton, sert de décor à la déclaration d’amour de Ed à Sandra. L’immense champ de jonquilles ensoleillé dans lequel se tiennent les personnages a évidemment tout d’un rêve, à l’instar des nombreuses aventures relatées par le personnage principal. De la même manière, c’est un merveilleux tapis de fleurs multicolores, d’une beauté toute irréelle, qui sert de décor à la dernière séquence de Sunshine Through the Rain, le premier rêve qui compose le film à segments Dreams (1990) de Akira Kurosawa.

La scène de danse finale d’Un Américain à Paris (1951) de Vincente Minelli, représentative de ce qu’on nomme le Dream Ballet – intermède dansé qui permet un décrochement narratif, au ton souvent fantasmagorique – est, elle aussi, remplie de fleurs. Jerry Mulligan, interprété par Gene Kelly, est emporté dans un rêverie amoureuse et artistique, un ballet rêvé dans lequel il retrouve Lise Bouvier, le personnage de Leslie Caron. Durant l’un des tableaux, Jerry danse ainsi avec Lise au milieu d’un marché aux fleurs d’une beauté onirique, jusqu’à ce que la jeune fille se change, dans ses bras, en un énorme bouquet d’efflorescences parfumées.

Des fleurs encore, de toutes sortes, peuplent le long rêve d’Alice au pays des merveilles. Leur présence animée et colorée dans les diverses adaptations du texte de Lewis Carroll – particulièrement celles des studios Disney en 1951 et de Tim Burton en 2010 – donnent à imaginer les parfums variés s’échappant de leurs vastes corolles pour chatouiller les narines d’une Alice à peine plus grande qu’une abeille.

Si le cinéma est d’abord médium audiovisuel, les tentatives d’enrichir sa palette sensorielle sont presque aussi anciennes que lui. Dès les années 1920, après l’ajout de la bande sonore à l’image en mouvement, l’adjonction de stimulations olfactives se présente à certains comme l’étape la plus logique pour entériner la puissance illusionniste du cinéma. Cependant, bien que ce soient multipliées depuis les années 1930 les tentatives et les prototypes destinés à odoriser les films, cette dimension reste encore peu exploitée de nos jours. Le jour où elle sera monnaie courante dans les salles obscures – comme c’est le cas dans Le Meilleur des Mondes (1932) d’Aldous Huxley – peut-être les spectateurs pourront-ils alors plonger dans les méandres odorants des songes représentés à l’écran. Alors toutes les roses, toutes les jonquilles, toutes les fleurs rêvées par le cinéma retrouveront leur parfum.

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Mon journal de rêves (Partie III)

Dans cette série, découvrez le journal de rêves d’un personnage dont les songes sont régulièrement traversés d’effluves. Déambulez ainsi, au fil de ses entrées, dans l’inconscient mystérieux d’une rêveuse olfactive.

Le 1er septembre 2023

Ces dernières nuits mes rêves ont été traversés par de multiples parfums. C’est comme si une porte s’était ouverte dans mon cerveau, libérant des sensations enfouies, des couleurs invisibles dont j’ignorais qu’elles dormaient en moi. De plus en plus je suis capable de me souvenir à la fois des odeurs et des images, comme si mon esprit apprenait à articuler ces dimensions au sein de l’état de rêve.

L’autre nuit j’ai été transportée dans une forêt ancienne et sombre, où les séquoias géants semblaient toucher le ciel et l’air était empli de leur arôme sauvage. Cette vibration boisée peu à peu s’est transformée, et avant même que je ne comprenne que l’encens avait pris le pas sur le bois, la forêt avait laissé place à une immense cathédrale. Les arches et les colonnes de pierre avaient remplacé les arbres, et les volutes qui montaient des encensoirs brouillaient l’atmosphère lourdement parfumée. Je me suis réveillée émue au souvenir d’un lointain voyage à Séville où toutes les églises laissent échapper cet austère parfum de résine brûlée.

Je suis impatiente de découvrir quelles nouvelles aventures olfactives m’attendent dans les nuits à venir !

Le 6 septembre 2023

Chaque nuit désormais, mes rêves sont un kaléidoscope d’odeurs. Hier, alors que je m’endormais, l’odeur fraîche et vivifiante de la pluie est apparue, alors que je me trouvais dans un lieu fermé que je ne connaissais pas. Aux gens qui tentaient de me parler, je répondais inlassablement : “Vous ne sentez pas la pluie?” et tous s’éloignaient sans répondre. Je comprenais qu’ils me trouvaient étrange, dérangée peut-être.

L’odeur mouillée accaparait tant mon attention que je ne remarquais pas la faille béante au milieu du grand hall où je me trouvais. Une gare peut-être. Je trébuchais et ma chute dans le fond de cet abysse me réveilla en sursaut, le cœur battant. La nuit était encore noire et je finis par me rendormir. 

Les contours du rêve dans lequel je replongeais étaient plus flous, plus inquiétants. Un parfum de fumée, traînant et écrasant, me prenait à la gorge, et avec lui un sentiment de désespoir. Cette sensation m’a poursuivie quelques instants au réveil, au point que j’ai vérifié que je n’avais rien oublié sur le feu la veille…

Le 15 septembre 2023

Hier soir, alors que je m’endormais, je m’attendais à être enveloppée par les fragrances qui tissent désormais régulièrement la trame de mes songes. Je rêvais de la journée qui venait de s’écouler, un de ces rêves si réaliste qu’on pourrait le confondre avec la vie éveillée. Aucune senteur cependant ne flottait dans l’air. J’errais dans ma journée comme dans un paysage muet, cherchant désespérément à percevoir le moindre parfum, la moindre trace d’une odeur. Ma propre maison dans ce rêve me semblait étrangère, hostile.

Au fur et à mesure que la journée passait, que je croisais des personnes familières, que j’accomplissais des tâches quotidiennes, je sentais grandir un sentiment de profond désarroi, comme si une partie essentielle de mon monde intérieur m’avait été arraché. En me réveillant, ce sentiment de perte m’a submergée, au point que j’ai mis plusieurs minutes avant de me rendre compte que ma gorge était douloureuse et mon nez bouché. Le premier rhume de l’automne.

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Sentir avant de naître

Saviez-vous que l'odorat est l'un des premiers sens à être pleinement fonctionnel chez le fœtus ? Nous sentons bien avant de naître, et nos préférences olfactives se forgent dès le ventre de notre mère !

À la fin des années 1990, certains chercheurs ont commencé à documenter la capacité du fœtus humain à percevoir les odeurs in utero. Nous savons désormais que le système olfactif s’ébauche dès le début du premier trimestre de grossesse. Il commence à être visible après seulement 9 semaines, lorsque le fœtus ne pèse que 2 grammes, et à partir du 6ème mois de grossesse, le bébé commence à percevoir et à mémoriser les odeurs à travers le liquide amniotique.

Chez l’adulte, les molécules odorantes sont transportées par le souffle vers la cavité nasale où se situe la muqueuse olfactive. Là, nos neurones olfactifs sont en contact direct avec l’environnement extérieur, uniquement protégés par un gel aqueux appelé mucus. Pour que nous les détections, les molécules odorantes doivent impérativement traverser ce mucus, ce qui signifie que, contrairement aux idées reçues, les odeurs peuvent se propager dans les liquides et pas seulement dans l’air. C’est pourquoi le liquide amniotique peut facilement transporter des odeurs jusqu’à la muqueuse olfactive du fœtus.

L’alimentation de la mère influence les préférences olfactives et gustatives avant même la naissance du bébé – mais aussi après, via l’allaitement. Certains arômes – comme l’ail, le cumin, le fenouil, le curry, la carotte, le fromage, etc. – se transmettent particulièrement bien de la mère au fœtus. Après quelques semaines d’expositions répétées à certains éléments consommés par la mère, le fœtus développera ainsi ses premières préférences olfactives. La réactivité olfactive a par exemple été évaluée chez des nouveau-nés nés de mères ayant consommé ou non un arôme anisé pendant leur grossesse. Les deux groupes de nourrissons ont ensuite été suivis pour repérer les marqueurs comportementaux d’attraction et d’aversion lorsque exposés à l’odeur d’anis. Or les nourrissons nés de mères consommatrices d’anis ont montré une préférence stable pour les odeurs anisées au cours des premiers jours de leur vie, contrairement aux autres.

Un nouveau-né est également capable de reconnaître sa mère à l’odeur de sa peau et de son lait bien avant de pouvoir reconnaître pleinement son visage, car sa vue n’est encore que peu développée. Cependant, au fur et à mesure que l’enfant grandit, sa sensibilité olfactive a tendance à diminuer si elle n’est pas entraînée. C’est pourquoi l’éducation aux odeurs n’est pas à négliger, non seulement dans l’enfance mais aussi tout au long de notre vie !

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Mon journal de rêves (Partie II)

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Le 16 août 2023

Après avoir été hantée en songes par cette odeur de rose venue me rappeler Grand-père, je me suis demandée si je pourrais consciemment rêver d’odeurs. J’ai toujours été fascinée par l’idée des rêves lucides. La perspective de contrôler non seulement la situation mais aussi les sensations d’un rêve est exaltante ! Mais sentir en esprit, même lorsqu’on est éveillé, n’est pas chose aisée…  

Hier soir, en m’endormant, j’ai songé très fort au parfum de la lavande. Il me semblait logique de commencer par une odeur que je connais bien, dont je suis capable de me représenter les nuances sans qu’elle ne soit véritablement présente. C’est un exercice difficile, et la concentration que cela m’a demandé a retardé longtemps mon endormissement. Je me suis ce matin réveillée déçue : non seulement n’ai-je rien senti, mais j’ai même aucun souvenir d’avoir rêvé. J’imagine qu’il me faudra un peu d’entrainement !

Le 26 août 2023

Depuis dix jours, je répète chaque soir l’exercice de sentir mentalement un parfum. Je choisis souvent la lavande, mais j’ai aussi essayé le citron, la menthe et même la rose, qui semble avoir quelque pouvoir sur mon esprit. Jusqu’à présent je n’avais pas réussi à percevoir le moindre effluve dans mes rêves, qui n’avaient d’ailleurs rien à voir avec toutes ces senteurs.

Mais alors que j’avais hier soir renoncé à faire mes exercices, fatiguée par une journée particulièrement stressante au travail, l’odeur familière de l’herbe fraîchement coupée a cette nuit envahi mes narines ! Ou mon cerveau, devrais-je plutôt dire. Je me trouvais pieds nus dans un jardin. Chaque brin d’herbe libérait un parfum vert et vibrant, plein de souvenirs joyeux. Peut-être que l’entraînement des nuits précédentes a finalement porté ses fruits !

Le 27 août 2023

Encouragée par cette odeur d’herbe foulée de la nuit dernière, j’ai choisi hier soir de me représenter, plutôt qu’une odeur, une situation dans laquelle les odeurs pourraient surgir. J’ai fait mentalement le tour du haras où j’ai longtemps monté à cheval. Les carrières, le manège, les écuries, la sellerie, j’ai tout passé en revue avant de m’endormir. 

Je me souviens mal du rêve qui a suivi. Mais je suis presque certaine d’avoir perçu, le temps d’un instant, la senteur caractéristique du tapis de selle lorsqu’on le retire après le travail. Ce parfum chaud et vivant de cuir, de graisse et de sueur équine. Peut-être y a-t-il toujours un peu de nostalgie attachée aux odeurs que l’on sent en rêve…

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