Le 1er septembre 2023
Ces dernières nuits mes rêves ont été traversés par de multiples parfums. C’est comme si une porte s’était ouverte dans mon cerveau, libérant des sensations enfouies, des couleurs invisibles dont j’ignorais qu’elles dormaient en moi. De plus en plus je suis capable de me souvenir à la fois des odeurs et des images, comme si mon esprit apprenait à articuler ces dimensions au sein de l’état de rêve.
L’autre nuit j’ai été transportée dans une forêt ancienne et sombre, où les séquoias géants semblaient toucher le ciel et l’air était empli de leur arôme sauvage. Cette vibration boisée peu à peu s’est transformée, et avant même que je ne comprenne que l’encens avait pris le pas sur le bois, la forêt avait laissé place à une immense cathédrale. Les arches et les colonnes de pierre avaient remplacé les arbres, et les volutes qui montaient des encensoirs brouillaient l’atmosphère lourdement parfumée. Je me suis réveillée émue au souvenir d’un lointain voyage à Séville où toutes les églises laissent échapper cet austère parfum de résine brûlée.
Je suis impatiente de découvrir quelles nouvelles aventures olfactives m’attendent dans les nuits à venir !
Le 6 septembre 2023
Chaque nuit désormais, mes rêves sont un kaléidoscope d’odeurs. Hier, alors que je m’endormais, l’odeur fraîche et vivifiante de la pluie est apparue, alors que je me trouvais dans un lieu fermé que je ne connaissais pas. Aux gens qui tentaient de me parler, je répondais inlassablement : “Vous ne sentez pas la pluie?” et tous s’éloignaient sans répondre. Je comprenais qu’ils me trouvaient étrange, dérangée peut-être.
L’odeur mouillée accaparait tant mon attention que je ne remarquais pas la faille béante au milieu du grand hall où je me trouvais. Une gare peut-être. Je trébuchais et ma chute dans le fond de cet abysse me réveilla en sursaut, le cœur battant. La nuit était encore noire et je finis par me rendormir.
Les contours du rêve dans lequel je replongeais étaient plus flous, plus inquiétants. Un parfum de fumée, traînant et écrasant, me prenait à la gorge, et avec lui un sentiment de désespoir. Cette sensation m’a poursuivie quelques instants au réveil, au point que j’ai vérifié que je n’avais rien oublié sur le feu la veille…
Le 15 septembre 2023
Hier soir, alors que je m’endormais, je m’attendais à être enveloppée par les fragrances qui tissent désormais régulièrement la trame de mes songes. Je rêvais de la journée qui venait de s’écouler, un de ces rêves si réaliste qu’on pourrait le confondre avec la vie éveillée. Aucune senteur cependant ne flottait dans l’air. J’errais dans ma journée comme dans un paysage muet, cherchant désespérément à percevoir le moindre parfum, la moindre trace d’une odeur. Ma propre maison dans ce rêve me semblait étrangère, hostile.
Au fur et à mesure que la journée passait, que je croisais des personnes familières, que j’accomplissais des tâches quotidiennes, je sentais grandir un sentiment de profond désarroi, comme si une partie essentielle de mon monde intérieur m’avait été arraché. En me réveillant, ce sentiment de perte m’a submergée, au point que j’ai mis plusieurs minutes avant de me rendre compte que ma gorge était douloureuse et mon nez bouché. Le premier rhume de l’automne.