Vivre sans odorat

Si nous savons tous ce qu’est la cécité ou la surdité et compatissons profondément avec ceux qui en sont affectés, la perte de nos sens chimiques semble inspirer moins de crainte. Elle constitue pourtant un handicap profond et sous-estimé.

Avant la propagation mondiale du Covid-19, l’anosmie et l’agueusie – désignant respectivement la perte des fonctions olfactives et gustatives – étaient encore des termes relativement obscurs pour la plupart des gens. A présent qu’une grande partie de la population mondiale a fait l’expérience de l’un ou l’autre de ces états, l’intérêt pour ces pathologies a augmenté de façon exponentielle.

Lorsqu’elle ne résulte pas d’une anomalie congénitale, l’anosmie est souvent liée à une atteinte du nerf olfactif entraînant un spectre d’expériences allant de perturbations partielles ou temporaires à une perte complète et/ou durable. Elle survient généralement après une infection virale (comme la grippe) ou une allergie. Elle peut également être la conséquence de certaines infections des voies respiratoires supérieures ou d’une maladie inflammatoire chronique, mais peut également apparaître dans le cadre de certains troubles neurologiques et neurodégénératifs, ou encore suite à un traumatisme crânien.

Les conséquences de cette perte ne sont pas à prendre à la légère. Elles englobent une perte d’appétit, une diminution de la libido, une anxiété accrue allant parfois jusqu’à la dépression. Les personnes atteintes se trouvent en effet incapables d’apprécier les saveurs des aliments et des boissons, de reconnaître et d’apprécier l’odeur de leurs proches, etc. Certains peuvent aussi se sentir constamment préoccupés par leurs propres odeurs corporelles. L’absence de dimension olfactive laisse ainsi les individus aux prises avec des sentiments d’isolement, de confusion, de désorientation et de frustration. Les relations humaines sont en effet profondément guidées par l’odorat. Sa perte se traduit donc aussi par une impression de perdre une dimension importante du monde, voire d’être enfermé, coupé d’une grande partie du monde extérieur. Vivre sans odorat peut également présenter des dangers réels. L’incapacité à détecter la fumée d’un incendie ou l’odeur révélatrice d’une fuite de gaz crée un climat peu sécurisant, nous rappelant le rôle essentiel que joue l’olfaction dans la protection des individus contre les menaces potentielles. Si traverser la vie sans odorat n’est pas impossible, cela présente cependant des défis parfois inattendus !

Certains anosmiques – à l’exclusion de ceux nés sans odorat – sont parfois encore capables de sentir dans leurs rêves, comme si leur cerveau se souvenait des odeurs. Ce qui ne manque pas de susciter des sentiments ambivalents : une grande joie durant le rêve, et une déception égale à l’heure du réveil…

Dans certains cas, l’odorat peut ne jamais revenir, cependant, dans une grande majorité des cas, les perceptions olfactives reviennent après quelques jours, quelques mois – ou, plus rarement, quelques années. Il faut en effet du temps pour qu’un circuit fonctionnel nez-cerveau se reforme car les nouveaux neurones olfactifs qui vont s’insérer dans l’épithélium olfactif doivent prolonger leurs axones et se connecter au bulbe olfactif pour une transmission correcte de l’information. L’un des moyens de faciliter ces nouvelles connexions est la stimulation olfactive quotidienne qui contribue à booster la neurogenèse. Depuis la pandémie de Covid-19, les protocoles d’entraînement olfactif se sont multipliés pour aider les gens à retrouver l’odorat. Avec des résultats certes progressifs mais généralement positifs ! Alors quelle joie de retrouver non seulement la beauté et la richesse des senteurs mais également un sentiment de sécurité et d’appartenance ! De se sentir à nouveau en connexion avec le monde et les gens qui y vivent. Comme on l’entend souvent des patients ayant retrouvé les pleines capacités de leur nez  : « C’est comme passer du noir et blanc à la couleur ! »

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